La fuite des talents : comment la DRH appréhende-t-elle cette répercussion du désengagement ?
Le monde ne change pas, il transmute le comment en pourquoi.
L’avènement et l’accélération des technologies de l’information dans notre société a fait naître une nouvelle génération de consommateur : le consommateur-acteur dont l’appropriation et sa participation au design d’un produit sont des principes forts. D’une posture passive à une posture active, il ne subit alors plus le marketing, il le coconstruit. A travers ce geste, il revendique une part d’autonomie en guise de reconnaissance.
C’est ce même individu que l’on retrouve à travers les « nouvelles » générations de collaborateurs. Plus leur qualification en TIC est avancée, plus ils seront avides du sens qu’ils souhaitent donner à leur projet professionnel, intimement corrélé à leur projet de vie.
Dans ce contexte, le monde de la gestion des talents évolue de façon significative au fil des années. Les carrières se sont allongées, les parcours se sont diversifiés, les collaborateurs peinent à se projeter plus de trente ans au sein d’une même organisation, induisant ainsi une hausse significative de turnover.
Quelles sont les raisons des départs de ces collaborateurs ? Perte de sens, mal-être au travail, absence d’un parcours de carrière digne de ce nom, choc générationnel etc. Autant de raisons qui poussent les organisations à se pencher sérieusement sur la question…
La souffrance des talents, née d’un désengagement profond
Selon une étude de l’IFOP, les facteurs déclencheurs de démission sont souvent les mêmes : manque de perspectives professionnelles, manque d’intérêt des missions, relations tendues avec le management, mauvais équilibre entre vie personnelle et professionnelle, volonté de redonner un sens à sa vie…
Ces ressentis s’illustrent souvent à travers le comportement du collaborateur. Le désengagement, prend alors plusieurs formes, comme le « brown-out » : baisse de l’engagement des collaborateurs résultant d’une perte de sens au travail, d’un manque de compréhension du pourquoi de leur mission et d’une absence de mise en perspective de leurs tâches. Les personnes en « brown-out » travaillent alors sans réellement se préoccuper de la qualité de ce qu’elles produisent et démissionnent mentalement de leur poste. Le « brown-out » devient ainsi de plus en plus courant, toucherait jusqu’à 50% des employés actuels et serait notamment plus exacerbé auprès des jeunes générations.
Les jeunes générations qui arrivent sur le marché du travail n’ont pas les mêmes attentes. Aujourd’hui, dans leur équilibre de vie, il est important d’aimer son métier mais il n’est pas question de sacrifier sa vie personnelle. D’après une enquête publiée par Accenture Strategy en 2017, quasiment 50 % des individus de la « génération Z » (nés après 1993) sont prêts à travailler le soir ou le week-end. Ils attendent en retour une large flexibilité dans l’organisation de leur travail pour pouvoir mieux concilier leur vie professionnelle et leur vie privée.
Hormis les coûts physiques et psychiques qu’ont ces phénomènes sur l’organisation, ils peuvent également engendrer d‘importants dommages financiers. Un salarié désengagé coûterait ainsi en moyenne 14 850 euros par an à l’entreprise. Un coût non-négligeable, notamment en période de crise.
L’engagement au travail est alors devenu un véritable mantra pour les entreprises qui cherchent à bénéficier au maximum des compétences de leurs employés. Des études montrent que lorsque les employés sont impliqués dans leur travail, les collaborateurs sont également plus susceptibles de considérer leur travail comme une vocation et de tirer un sens plus profond de leur travail quotidien.
Le réel enjeu se situe donc là, il est essentiel d’engager et motiver les collaborateurs pour que leurs convictions personnelles rejoignent celles de l’entreprise et forment un duo de choc.
L’expérience collaborateur au cœur de la réinvention du management
Dans un contexte où l’expérience client est devenue le moteur du business et où la qualité de la relation client est réputée stratégique, le concept d’expérience collaborateur s’est développé en écho au concept d’expérience client. Au cœur de son approche, une attention toute particulière est donnée au parcours de vie du collaborateur au sein de l’entreprise.
Cette notion qui s’attache à l’émotion en s’appuyant sur la génération de l’enthousiasme au bureau, se décline alors sous divers aspects tout au long de la vie du collaborateur, de son recrutement jusqu’à l’accompagnement de son off-boarding, en passant par les parcours de carrière, la formation et l’intrapreneuriat.
L’expérience collaborateur est certes prometteuse du réengagement profond des collaborateurs mais le piège dans lequel se glisse un bon nombre d’organisation est celui d’accorder trop d’importance à l’orchestration d’événements et « goodies » de l’expérience collaborateur, sans se soucier assez du réel malaise et besoins des collaborateurs, qui varient d’une entreprise à l’autre. Il va sans dire qu’installer un baby-foot dans un open-space où règne le management autoritaire ne faisant aucun compromis sur l’organisation du travail, se révèle est beaucoup plus néfaste et l’effet escompté se trouve parfaitement dilué.
Face au maelstrom psycho-économique de la société, le management doit en réalité évoluer et se faire accompagner en ce sens, bien avant de recourir à la customisation de l’expérience collaborateur. Il s’agit d’accompagner les équipes autour de la création d’un véritable collectif, engageant et stimulant. Le management de demain se doit d’assurer un rôle social, avec le renforcement d’une équipe et l’émergence des talents qui la constituent.
Les ressources de l’humain plutôt que les ressources humaines : la mutation stratégique du positionnement des DRH.
Dans ce contexte, la DRH doit insuffler une nouvelle dynamique et s’approprier un nouveau rôle afin d’être un partenaire stratégique du Business, dans des périodes de profondes transformations organisationnelles.
Le repositionnement de la DRH se doit alors d’être plus affirmé afin d’envoyer le bon signal, aux salariés d’une part, et à la Direction d’autre part. Elles transitionnent de plus en plus de la place de recruteur à stratège du capital humain.
L’émergence d’un nouveau type de fonction RH est observable au sein de certaines organisations qui prônent une forte culture d’entreprise avec comme piliers l’innovation et la productivité. Elle se positionne comme un membre actif du Comité de Direction pour délivrer des conseils avisés à sa Direction Générale et participer ainsi pleinement aux décisions stratégiques prises par la société.
Permettre à l’entreprise de renforcer son organisation et d’accompagner ses transformations, tout en préservant ses ressources, fait partie des attributions de la nouvelle fonction RH. Cette dernière doit travailler plus étroitement avec les directions générales pour définir et mettre en place des actions opérationnelles concrètes pour les collaborateurs, piloter les actions de transformation de manière dynamique et impulser des programmes d’innovation managériale.
La fonction RH détient les clés de la mise en place des conditions favorables des transformations organisationnelles, notamment par le recrutement de profils moins conventionnels, la création de nouveaux parcours de formation, l’évolution des référentiels de compétences (construits à partir de nouveaux critères d’évaluation) mais aussi par le changement des comportements managériaux.
La fonction doit, par ailleurs, elle-même s’organiser pour s’inscrire dans une démarche d’innovation interne afin de s’orienter davantage vers la conception d’une stratégie RH axée autour du management du capital humain. Ceci permettant une nouvelle approche des projets de transformation, sous le prisme par exemple d’une ingénierie de formations innovantes ou encore d’une refonte des relations sociales.
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